Généalogie de la pensée amibienne 19 juin
« Chacun voit midi à sa porte », à condition de s’y prendre au bon moment. Le faire par un jour ensoleillé garantit de meilleurs résultats, parait-il. Et si l’envie vous prend de le faire la nuit, vaut mieux s’y coller vers minuit.
Donc, avec la relativité appliquée aux vérités immuables des esprits bien inspirés, et à en croire l’entame de ces lignes, chacun peut avoir raison à condition de faire preuve de méthode: rendre visible ses déductions hâtives, ses inférences à coups de massue et ses implications arbitraires en soulignant au fluo les liens de causalité transmis de père en fils (voir autres combinaisons d’ascendance.)
Pour résumer sans conclure, raisonner c’est aller de fil en aiguille dans une botte de foin par un jour d’éclipse.
Pour rester dans l’art de l’arraisonnement de la raison, voilà que le monde, à peine le bec relevé de la pandémie – n’y voyez aucun lien étymologique avec le pangolin dont la première syllabe (pan) n’est pas un préfixe extensif, mais d’origine malaise (pang) – se lance tel le célèbre chevalier de la Mancha contre des moulins à vent très malins, virtuels à souhait et dotés du don d’ubiquité pour des raisons fiscales. Ce marronnier politique supranational sonne et trébuche avec la régularité d’un métronome sans piles.
Le numérique en verlan
Bururu, qui n’est pas trop fute fute question optimisation fiscale, rêve d’une zone franche planétaire où les chauvesouris peuvent changer de grotte sans devoir montrer pattes blanches. Il se dit qu’on n’a qu’à rendre obligatoire le recours, à rebours, à l’analogique et interdire le binaire et ses variantes (octa. et hexa.) sans aller jusqu’à déboulonner la statue de Turing, ni mettre dans la gueule du broyeur sa célèbre machine à décoder. Une sorte de désintoxication technologique planétaire.
Doucement et surement, reprendre à reculons les marches de la science pour rejoindre les basfonds du calcul mental, du dénombrement à l’aide de pierres avant l’âge du même matériau et du décompte à la tête du … bétail.
Plus efficace mais plus coûteux, faire gaffe aux GAFA suppose ouvrir des cours gratuits de désaccoutumance et de traitement des addictions numériques à large spectre. Or, pour des raisons de prix de revient, ils seront accessibles sur les … GAFA. Oups !
On voit bien que l’économie cyclique n’est pas qu’une vue de l’esprit pour arrondir les angles. C’est même un vieux serpent de mer qui se mord la queue. L’Ouroboros (ancienne graphie de Bururu mais que Wikipédia aurait omis de mentionner?) est le symbole de vi(e)s sans fin.
Pour rester dans le gribouillage créatif, rappelons que les dragons sont sortis du Milk-shake de la création, nés d’un télescopage génétique fortuit entre un hibou et une vipère.
Du Yin et Yang
Pour des impératifs de simplification didactique, parlons plutôt du cycle binaire du Yin et Yang, pour reprendre le modèle antique du moteur à deux temps.
Prenez deux gouttes, claire et sombre, rendez leurs périmètres tangentiels l’un l’autre puis allumez le mixeur à basse vitesse. Faites naitre sur chacune des sphères une queue arrondie en un effet centrifuge. Appliquez un moule circulaire qui embrasse nettement les deux virgules accolées l’une à l’autre et vous obtenez l’antique symbole de la dualité essentielle de toute existence.
Par les temps qui courent, à défaut de marcher au rythme des trotteurs d’une montre atomique, disons que pour des raisons de libre entreprise, il est temps que le marketing à dent de sabre se saisisse d’un tel artéfact au pouvoir marchand inépuisable pour le décliner, dans un premier temps seulement, aux colories olympiques et sortir du manichéisme clair-obscur. Ainsi, le pauvre Capital pourra se faire de reluisants dividendes avec le sentiment du devoir accompli pour avoir rendu un concept, vieux de plusieurs millénaires, encore plus universel, c’est-à-dire à la portée du premier acheteur compulsif arrivé devant un magasin de babioles.
La pensée profonde d’une amibe
Dans un second temps, il est possible de monter en mayonnaise des sites qui vous proposent une palette de millions de couleurs pour iriser votre Yin et Yang à vos sautes d’humeur exécrable. Une sorte de droit à la différence à portée de clics. Ainsi, vous pouvez afficher sur les plateformes sociales des GAFA, encore eux, vos sculptures rupestres dignes de l’ère amibienne.
Reste une question subsidiaire : pourquoi les dragons restent très portés sur la reproduction ovipare ? Est-ce pour préserver au Yin et Yang ses formes arrondies de toute dérive géométrique ? Lancinante conjecture !
Pour finir, disons que les vivipares vivaient quelque part et que les ovipares vivaient quelque part, eux aussi, mais dans un nid… circulaire pour les reptiles et ovale pour les oiseaux.
Abdenour BOUHIREB